Les versets qui ont inspiré cet épisode
Et lorsque ton Seigneur appela Moussa : « Rends-toi auprès du peuple injuste, Peuple de Fir’awn (Pharaon) » ne craindront-ils pas ? Il dit: « Seigneur, je crains qu’ils ne me traitent de menteur; que ma poitrine ne se resserre, et que ma langue ne soit déliée; Envoie donc Haroun. Ils ont un crime à me reprocher; je crains donc qu’ils ne me tuent ». Mais Allah lui dit: « Jamais ! Allez tous deux avec Nos miracles, Nous resterons avec vous et Nous écouterons. Rendez-vous donc tous deux auprès de Fir’awn (Pharaon), puis dites: « Nous sommes le messager du Seigneur de l’univers, pour que tu renvoies les enfants d’Israʾil avec nous. » Pharaon dit « Ne t’avons-nous pas élevé chez nous tout petit ? Et n’as-tu pas demeuré parmi nous des années durant de ta vie ? Puis tu as commis le méfait que tu as fait, en dépit de toute reconnaissance. » « Je l’ai fait, dit Moussa, alors que j’étais encore du nombre des égarés. Je me suis donc enfui de vous quand j’ai eu peur de vous. Puis, mon Seigneur m’a donné la sagesse et m’a désigné parmi Ses messagers. Est-ce là un bienfait de ta part que tu me rappelles avec reproche, alors que tu as asservi les enfants d’Israʾil ? » Il dit (Pharaon) « Et qu’est-ce que le Seigneur de l’univers ? » Il dit (Moussa) « Le Seigneur des cieux et de la terre et de ce qui existe entre eux, si seulement vous pouviez en être convaincus ! » Il dit (Pharaon) à ceux qui l’entouraient: « N’entendez-vous donc pas ? » Il dit (Moussa) « … Votre Seigneur, et le Seigneur de vos plus anciens ancêtres. » Il dit (Pharaon) « Vraiment, votre messager qui vous a été envoyé est un fou. » Il dit (Moussa) « … Le Seigneur du Levant et du Couchant et de ce qui est entre les deux; si seulement vous compreniez ! » Il dit (Pharaon) « Si tu adoptes, une autre divinité que moi, je te mettrai parmi les prisonniers. » Il dit (Moussa) « Et même si je t’apportais, une preuve évidente ? » Il dit (Pharaon) « Apporte-la, si tu es du nombre des véridiques. » Il jeta donc son bâton et le voilà devenu un serpent manifeste. Et il tira sa main de sa poche, et voilà qu’elle était blanche étincelante à ceux qui regardaient. Pharaon dit aux notables autour de lui: « Voilà en vérité un magicien savant. Il veut par sa magie vous expulser de votre terre. Que me conseillez-vous ? »
Traduction rapprochée du sens de la sourate Les Poètes, versets 10 à 35 Tu viens de lire un merveilleux débat entre Moussa et Pharaon. D’ailleurs, il en existe d’autres dans le Coran.
Si tu apprends à débattre, discuter, argumenter, c’est l’endroit où il faut être. Les conversations entre Moussa et Pharaon dans le Coran sont de véritables pépites. Notre leçon du jour va se concentrer sur tous les conseils que Moussa nous donne à travers sa rhétorique et sa manière de s’adresser à Pharaon.
Avant cela, je t’ai laissé un court passage où Allah ﷻ dit à Moussa d’aller directement vers Pharaon. Il ne doit pas se rendre auprès des ministres, mais directement auprès du chef d’État.
Les craintes de Moussa D’abord, Moussa est inquiet car il craint d’être traité de menteur. Par-dessus tout, il redoute que l’on mente au sujet d’Allah ﷻ lorsqu’il abordera ce sujet et exprime alors clairement que cela risque de le mettre hors de lui.
Ainsi, Moussa craint sa propre colère car s’il y succombe, il perdrait alors le contrôle de ses mots et bégayerait. Il déclare :
“En plus, j’ai tué quelqu’un, c’est pour cela que j’ai fui”.
Après tant d’années, il a peur de raviver cet arrêt de mort dès qu’il franchira le seuil du palais.
A chaque fois qu’Allah ﷻ s’adresse à Moussa, Il le rassure et le calme.
Si tu veux voir une démonstration sur la gestion des émotions, le fait de ne pas les taire mais d’apprendre à jongler avec elles, il faut que tu étudies et que tu te concentres sur les échanges entre Allah ﷻ et Moussa. Il y a de très grandes leçons de maîtrise de soi enseignées par Allah ﷻ.
Comment Allah ﷻ rassure Moussa ? Il lui rappelle que Haroun est avec lui
Il y a quelque chose de très étonnant. Quand Allah ﷻ parle de Moussa et Haroun, il emploie le mot رَسُولُ –Rassul , le messager, alors qu’ils sont deux.
Pourquoi ? Pour montrer à quel point ils seront unis, et ainsi, Moussa n’aura rien à craindre.
En effet, quand il s’agit de parler d’Allah ﷻ, ils ont un discours commun, telle une seule personne.
Ils partent avec Ses miracles Allah rappelle à Moussa qu’Il va lui donner des signes et des miracles.
On connaît notamment les fameuses “dix plaies d’Egypte ”, dont certaines sont mentionnées dans le Coran.
Allah ﷻ est avec eux Allah ﷻ lui dit que le premier auditoire, c’est Lui.
“Je suis avec vous et J’écoute attentivement” إِنَّا مَعَكُمْ مُسْتَمِعُونَ
Sourate 26 ; Verset 15 Ça nous donne une leçon à nous-même. Si Allah ﷻ dit qu’Il écoute, cela signifie que nous aussi on a tout intérêt à écouter. Allah ﷻ leur dit exactement ce qu’ils doivent dire.
Puis, il y a la réponse de Pharaon. Comme pour nous signifier qu’Allah ﷻ a parlé pour Moussa, et Haroun.
Sur quels sujets porte le débat entre Moussa et Pharaon ? Moussa et Haroun viennent avec deux informations importantes qu’Allah ﷻ leur insuffle de dire
L’Unicité d’Allah ﷻ Ils sont LE messager de Rabb al-alamine , (le Seigneur de l’Univers). C’est Allah ﷻ le Maitre incontesté des univers, et non Pharaon, qui revendiquait ce titre.
La libération du peuple d’ Israïl Un peuple asservi à l’esclavage par Pharaon, dont Moussa va exiger la libération.
Les arguments de Pharaon Pendant tout le débat, Moussa, va s’accrocher à ces deux informations.
Pharaon tente de l’humilier On s’attend à ce que Pharaon réponde sur ces deux points. Pourtant, il regarde Moussa et dit :
“Ne t’avons-nous pas élevé chez nous tout enfant ? Et n’as-tu pas demeuré parmi nous des années de ta vie ?”
En parlant à Moussa d’une époque révolue, où il n’était qu’un enfant, il essaye en fait de l’humilier devant tout le monde présent au palais : ministres, servants, dignitaires, etc.
Ainsi, Pharaon cherche à le ridiculiser en le ramenant à son statut d’enfant et en soulignant qu’il est devenu un prince grâce à lui.
Pharaon essaye de l’intimider Pharaon lui rappelle alors le méfait pour lequel il est recherché, sans entrer dans les détails, juste pour lui dire qu’il sait.
Il emploie même le terme de kafir pour parler de Moussa !
La leçon à tirer de la réaction de Moussa Moussa ne se laisse pas déstabiliser, il ne se justifie pas. Il a répondu à la question de Pharaon sans se précipiter, sans bégayer, en disant simplement la vérité.
C’est une erreur que beaucoup commettent : se justifier face à une accusation. En effet, lorsque l’on rebondit en se justifiant, il est très difficile de revenir à nos arguments de base.
Moussa ne va pas se tirer une balle dans le pied. Ainsi, de la même manière que Pharaon, il n’entre pas dans les détails. Il ne dit pas : « Je l’ai tué »
Il dit simplement :
« Oui, je l’ai fait ».
Seulement, il continue son propos en expliquant que lorsqu’il l’a fait, il n’était pas le même, il assume qu’il a eu peur et qu’il a fui.
Ainsi, il ne nie pas les faits, ce qui contrarie l’argument de Pharaon. Il recentre alors le sujet sur l’objet de départ : il y a un Rabb , dont il est le Messager, et il y a un peuple à libérer de la servitude.
Ainsi, Moussa dit qu’Allah ﷻ lui a donné la sagesse et qu’il en a fait un Messager. Dès lors qu’il est devenu Messager, il n’avait plus peur.
Pharaon sait que Moussa n’aime pas parler en public, qu’il a tendance à bégayer, qu’il peut s’emporter dans une situation d’injustice. Mais là, Pharaon est face à quelqu’un qui parle calmement, qui ne sort pas de ses gonds et qui ne se laisse pas déstabiliser. Moussa utilise les arguments de Pharaon pour amener ses arguments à lui.
Ensuite, il lui demande :
Est-ce là un bienfait de ta part [que tu me rappelles] avec reproche (…)?
Moussa emploie le terme de نِعْمَةٌ ni’ma . Il admet, il fait preuve de reconnaissance, alors même que Pharaon l’a accusé de ne pas etre reconnaissant.
Ainsi, Moussa en profite pour lui rappeler qu’il asservit les Enfants d’Israël. Le fait qu’il ait été élevé par Pharaon ne compense pas les crimes de ce dernier.
Là encore, il rencentre le débat, ce pourquoi il a été envoyé. Moussa est donc parti, à chaque fois, du reproche de Pharaon pour recentrer le sujet.
Les deux arguments hors sujets de Pharaon ont donc été terrassés par Moussa.
Pharaon essaye de reprendre la main, alors il dit :
“Et c’est qui le Seigneur de l’Univers ?”
Il montre qu’il commence à perdre, car de lui-même il renvoie une perche à Moussa.
La communication pertinente de Moussa
Moussa répond donc à la question de Pharaon.
« Le Seigneur des cieux et de la terre et de ce qui existe entre eux, dit [Moïse], si seulement vous pouviez en être convaincus! «
Il ne répond pas seulement à Pharaon, il emploie le pluriel : il en profite pour s’adresser à l’assemblée.
Cette même assemblée qui n’aime pas forcément Pharaon. En effet, il était tyrannique avec tout le monde… Même avec sa propre épouse !
C’est donc une autre technique, très intelligente, dans le débat : le fait d’inclure tout le monde et d’inclure le cœur du public.
Le but de Moussa est clair. Il n’a pas besoin de s’éparpiller, de s’emporter. Il sait tellement de quoi il parle qu’il en fait bénéficier toute l’assemblée. C’est quelqu’un qui est à l’aise qui peut faire ça.
Quelqu’un qui est tendu, qui cherche ses mots, qui fait venir l’égo dans ses paroles, qui se justifie, qui se sent attaqué, n’a pas assez de ressources pour penser à ce qui est autour. Il se concentre que sur son interlocuteur, mais le public tend vers celui qui l’inclut.
La structure du débat entre Moussa et Pharaon On remarque dans les versets un enchaînement de plusieurs قَالَ – « il dit »
Et il y a une alternance : dans un verset il s’agit de Moussa, puis dans le verset suivant c’est Pharaon, etc.
La rhétorique de Moussa A la question de Pharaon, Moussa répond donc avec des faits qui touchent tout le monde. D’ailleurs, il dit :
“Votre Seigneur et le Seigneur de vos plus anciens ancêtres”.
Puis, il continue à expliquer qui est Allah ﷻ, à savoir le Seigneur du Levant, du Couchant, des cieux, de la Terre, et de ce qui est entre les deux. Ensuite, il dit :
“Si seulement vous compreniez”.
L’enchaînement est vraiment impressionnant. Si tu isoles les phrases de Moussa, on peut voir qu’elles sont logiques. C’est comme si c’était une seule et même phrase. Il emploie des références qui touchent tout le monde.
La rhétorique de Pharaon Lorsqu’on prend les répliques de Pharaon de manière isolée, elles n’ont ni queue ni tête. Il commence par demander :
“Qui est ton Rabb ?”.
Ensuite il traite Moussa de fou. Cependant, il se ment à lui-même. Dans son inconscient, il dit lui-même que Moussa est le messager d’Allah ﷻ.
Dans son plaidoyer, Pharaon s’énerve et dit :
“Vous n’entendez pas ? Votre messager est un fou.” “Si tu continues, je vais te mettre en prison.”
Il essaie de capter l’auditoire, mais sans avoir d’arguments, ce ne sont que des attaques et de l’égo. C’est une perte totale de contrôle.
Pharaon a perdu le débat. En effet, on voit qu’une personne a perdu le débat quand elle commence à :
menacer ; faire du chantage ; employer la force. Quand les mots ne suffisent plus, et qu’on en vient aux menaces, c’est la preuve que le débat est terminé.
La fin du débat Moussa sait qu’il a gagné le débat et le cœur de l’auditoire. Il a transmis son message et a ridiculisé Pharaon par ses propres attaques.
Moussa ne se laisse pas intimider, malgré la menace. Il n’a pas peur de la prison. En effet, quelqu’un qui s’est débrouillé autant de temps dans le désert n’a pas peur.
Moussa continue calmement :
« Et si je te montre une preuve ? »
Pharaon n’a plus d’argument, il est dans la réception de l’information. Il n’a plus rien à donner, donc maintenant il prend tout ce qu’on lui donne.
Moussa montre donc ses signes : son bâton transformé en serpent, sa main devenue d’un blanc éclatant… L’auditoire a été impressionné par ce qu’il entend, par ce qu’il voit.
La présence d’Allah ﷻ auprès de Moussa et Haroun Tout ça nous renvoie à ce qu’Allah ﷻ nous dit :
Je suis avec vous, et J’écoute.
Dans un autre passage, Allah ﷻ dit également :
Il dit: «Ne craignez rien. Je suis avec vous: J’entends et Je vois.
Traduction du sens rapproché de la sourate Ta-Ha; verset 46
Allah ﷻ fait aussi de sorte que l’assemblée voit ce qu’Il voit, et qu’ils écoutent ce qu’Il écoute.
Moussa est parti avec le message d’Allah ﷻ, pour Allah ﷻ. Ainsi, son Rabb a rempli Sa promesse en disant qu’Il est avec lui. Il assure les arrières de Moussa.
Moussa avait peur :
d’y aller seul, de bégayer, d’être traité de menteur, qu’on le tue A la fin, c’est lui gagne le débat avec brio. Pharaon se retrouve tellement désemparé que, lui qui se déclarait Rabb al-alamine , se tourne vers les notables pour leur demander conseil.
Il atteint alors le ridicule :
Il ne demandait jamais l’avis de personne, Il ne demandait jamais de conseils, Il incarnait l’autorité, Il décidait absolument tout pour son peuple. Là, il s’adresse aux notables en disant “il veut vous chasser de vos terres”, tout d’un coup ça devient leurs terres !
Il montre qu’il a perdu définitivement le débat.
Les leçons à tirer de ce débat entre Moussa et Pharaon Tu seras amené, tôt ou tard, à débattre, à devoir répondre à la polémique, à discuter avec des individus, parfois ignorants, voire humiliants, ceux-là même qui cherchent à tout prix la victoire. Ainsi, il est essentiel de connaître les codes du débat.
Le but n’est pas de remporter absolument le débat, mais plutôt de saisir chaque opportunité pour faire resplendir la vérité d’Allah ﷻ. Quelle que soit la situation, il est primordial de rétablir constamment la vérité.
Laisser Allah ﷻ parler pour toi Pour cela, il faut :
Lui faire confiance, s’en remettre rien qu’à Lui, s’en tenir à notre message. Ton plaidoyer ne doit être que pour plaire à Allah ﷻ.
Il te faudra poser des arguments clairs, dès le départ : 2 ou 3 maximum .
Prends exemple sur Moussa. Pour rester focus et recentrer le débat, il ne faut pas qu’il y ait trop d’arguments. Ça te permet de gagner en clarté.
Il faudra tout faire pour rester fermement acroché à ces deux ou trois arguments. Si la personne s’éloigne de ce sujet, te lance des pics personnels, ne te laisse pas atteindre, fais en sorte de toujours revenir au sujet de départ.
Garder ton sang-froid Reste fair-play comme Moussa, qui a respecté tous les codes de la bonne communication.
Sa parole a été :
sadida (pertinente),maysoura (simple à comprendre),layyina (des paroles douces, gentilles), il est resté correct,baligha (éloquente),ma’roufa (convenables, reconnues dans le code de la bienséance),karima (douce, correcte, généreuse).
Moussa aurait pu répondre sèchement, mais il a été généreux dans les explications, dans la rhétorique.
Pharaon a fait tout le contraire. Il a été :
impertinent, agressif, hors sujet, moqueur, humiliant. Ne pas chercher à humilier l’autre En effet, celui qui cherche à humilier ne récoltera que de l’humiliation, tôt ou tard.
Inclure l’auditoire Si ces personnes sont là, c’est qu’elles ont un rôle à jouer. Si elles ne servent à rien, il faut alors t’isoler avec ton interlocuteur et ne parler qu’avec lui.
Ce débat entre Moussa et Pharaon est éloquent. En effet, en scrutant ces échanges, nous découvrons les stratégies de communication employées par Moussa pour recentrer le débat sur les questions fondamentales. Le tout, malgré les tentatives de déstabilisation de Pharaon. J’espère que ces versets t’auront donné une belle perspective, quand toi même tu auras à discuter avec une personne qui ne veut pas comprendre, qui a les traits de l’ignorance, qui cherche à te mettre au pied du mur. Qu’Allah délie ta langue, raffermisse et élargisse ta poitrine, et te fasse comprendre de ceux à qui tu t’adresses. Si cet article t’a plu, alors n’hésite pas à le dire dans les commentaires et le partager autour de toi.