« Commence par toi-même, puis par ceux dont tu as la charge. »
C’est un hadith du Prophète ﷺ rapporté dans le recueil de Muslim.
Changer le monde, d’accord… mais doit-on le faire sans se changer soi-même ? Aujourd’hui, nous vivons dans une époque où tout le monde veut donner des leçons, mais peu de personnes veulent vraiment se réformer. On critique, on conseille, on corrige, mais notre propre vie est en désordre.
On veut imposer la justice dans la société, mais sommes-nous justes avec tous nos proches ?
Le Prophète ﷺ, dans ce hadith, nous rappelle une règle fondamentale : avant de vouloir changer les autres, on commence par se réformer soi-même .
Trois grandes vérités
De ce hadith, je retiens trois grandes vérités. Des vérités simples, mais puissantes.
1. L’authenticité avant tout
Une personne qui n’applique pas ce qu’elle prêche n’aura aucun impact réel. Pour que ce que l’on transmet ait un impact, il faut d’abord se l’appliquer à soi-même . Cela se ressentira.
ALLAH ﷻ déteste l’incohérence. Il dit dans le Coran :
« Ô vous qui avez cru, pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas ? C’est une énormité auprès d’ALLAH ﷻ que de dire ce que vous ne faites pas. » (Sourate As-Saff, versets 2-3)
2. L’exemplarité est la meilleure transmission
Nos enfants et nos proches n’écoutent pas nos paroles : ils observent nos actes .
Un père qui dit « prie » mais qui ne prie pas n’aura aucune crédibilité.
Une mère qui répète « arrête d’être sur ton téléphone » tout en y étant collée ne pourra convaincre personne dans la maison.
3. L’ordre des priorités
Il y a un ordre dans la réforme :
Se corriger soi-même
Puis aider sa famille
Puis aider sa communauté
On pourrait littéralement représenter cela par des flèches. Et parfois, on veut sauver le monde alors que notre propre maison est en crise. La crise n’est pas seulement à l’extérieur ; elle commence souvent à l’intérieur. Notre société actuelle est remplie d’incohérences entre les discours et les actes.
Quand les paroles ne suivent pas les actes
On prêche la bienveillance, mais on critique à la moindre occasion. On parle de piété, mais on néglige les obligations essentielles. On exige des autres ce qu’on ne fait pas soi-même. C’est ce qu’on observe aujourd’hui.
Et tu connais le principe de l’éducation par l’exemple. Lead by example , comme on dit. Malcom X, rahimahullâh , insistait beaucoup là-dessus.
Un enfant élevé dans une maison où la foi est vécue – pas imposée – grandira dans un cadre sain. Il développera un amour sincère pour ALLAH ﷻ, car on l’aura invité à vivre la foi , pas contraint.
Beaucoup de jeunes s’éloignent, voire quittent la religion, parce qu’ils ont vu trop d’hypocrisie dans leur entourage. Oui, le mot est dit : hypocrisie . Un tel dit une chose, fait autre chose, puis vient exiger qu’on l’écoute.
Or, les enfants – par nature, par la volonté d’ALLAH ﷻ – apprennent en reproduisant ce qu’ils voient . Ils ne savent plus s’ils doivent croire les paroles ou les actes. Et cela crée un déséquilibre, une forme de schizophrénie dans leur perception de la religion.
C’est pourquoi l’éducation par l’exemple est si importante. Et aussi, l’équilibre entre réforme personnelle et responsabilité collective .
Ce hadith n’est pas une excuse à l’individualisme, comme si l’on devait se dire : « Je me concentre sur moi, tant pis pour les autres. » Non. Ce hadith est un appel à se construire d’abord pour mieux servir ensuite . Et d’ailleurs, il ne parle pas que de nous. Il dit : commence par toi-même, puis par ceux dont tu as la charge. Ce qui montre bien que l’Islam ne nous appelle pas à l’isolement, mais à l’engagement après la réforme de soi.
Éduquer par l’exemplarité
Dans notre quotidien, cela veut dire : commencer par faire un bilan honnête de soi-même . Se poser les bonnes questions :
Est-ce que j’applique ce que je conseille aux autres ?
Si mes paroles étaient effacées et qu’il ne restait que mes actes, qu’est-ce qu’ils montreraient ?
Parce que c’est là que réside la vraie parole, celle des actes.
Ensuite, éduquer ses proches par l’exemplarité . Avant de répéter sans cesse : « Fais tes prières » , il suffit de prier devant eux . Simplement. Puis, invite-les.
Et cela rejoint la sagesse contenue dans l’adhân :
« Hayya ʿalas-salâh, hayya ʿala-l-falâh. » Venez à la prière. Venez à la réussite.
Hayya signifie : Venez ! C’est une invitation , presque festive, chaleureuse.As-salâh , c’est plus que la prière : c’est as-silah , le lien avec ALLAH ﷻ .Al-falâh , c’est la réussite après un dur labeur . C’est une victoire méritée.
En d’autres termes :
Venez construire votre lien avec ALLAH ﷻ. Venez récolter le fruit de votre effort.
C’est cela qu’il faut transmettre.
Transmettre sans agresser
Ce n’est pas : « prie, prie, prie », en boucle. Qui a envie de prier quand on lui parle comme ça ? Même un adulte n’a pas envie. Même celui qui prie déjà peut se sentir agressé quand on lui répète sans cesse : « va prier, t’as fait ta prière ? prie, prie, prie… » Ce n’est pas comme ça qu’on transmet.
ALLAH ﷻ, Lui-même, lorsqu’Il nous enseigne la prière, Il le fait avec douceur, d’une manière qui donne envie de venir . Alors pourquoi faisons-nous l’inverse ?
Avant de dire « sois patient » , « sabr » à tout-va, il faudrait d’abord montrer comment gérer :
la colère,
la frustration,
la difficulté.
Plutôt que de distribuer des rappels automatiques sur la patience, puis de passer directement à la prochaine accusation :« T’as pas de iman ? Tu dois revoir ton iman ! T’es en colère, t’as pleuré ? Donc t’es pas d’accord avec le décret d’ALLAH ? »
C’est hors sujet. Les émotions, ce n’est pas de l’ingratitude. Ce n’est pas un manque de patience .
Commencer par soi-même, avec patience
Si tu veux transmettre à ton entourage l’importance de la patience, il faut que cela se voie d’abord sur toi-même : dans ta manière de réagir à la difficulté, à la frustration, à ce que la vie envoie comme épreuve.
Et au-delà de l’exemplarité, il faut arrêter de vouloir « réparer » tout le monde avant de se réparer soi-même. On prend parfois le rôle de celui qui corrige tous les autres, sous couvert de nassiha : « je te donne un conseil » . Mais on va plus loin : on exige une application immédiate, et on attend un retour immédiat.
Tu dis à quelqu’un : « Prie. » S’il ne prie pas devant toi dans les deux minutes, tu restes là, debout, à observer comme un inspecteur des impôts .
Le vrai conseil, c’est avec rahma .
Il faut adopter une approche bienveillante et humble. Car, sauf si l’on est le Messager d’ALLAH ﷺ – et on ne l’est pas – alors le conseilleur n’a pas plus de valeur que le conseillé.
Dans ce monde, nous sommes tous faillibles. Le conseilleur aussi mérite d’être conseillé. Il peut se tromper, il peut être critiqué, il peut apprendre.
Donc, quand tu donnes un conseil, répète-toi :
Je ne suis pas la meilleure personne sur Terre. Je ne suis pas à l’abri d’erreurs. Je serai jugé moi aussi.
Alors, si je donne un conseil, je le fais avec humilité, avec rahmah , et uniquement pour le bien de la personne. C’est cela le vrai adab du conseil .
Et d’ailleurs, si tu ne l’as pas encore écouté, j’ai déjà fait un épisode sur ce sujet : l’art de conseiller
Ce que les gens retiennent
Il faut se rappeler que nos actes ont plus d’impact que nos mots . Les gens retiennent davantage :
comment tu leur as parlé,
ce que tu as fait,
par quels moyens tu es venu,
ce que tu as mis en place,
ce qui se dégage de toi,
… que ce que tu dis.
Parce que dire, tout le monde peut le faire. Un livre parle. Une page Internet parle. Un enregistrement parle. Mais ce qui marque vraiment, c’est ce que les gens voient que tu fais .
Cela ne veut pas dire que lorsqu’une personne te donne un conseil sans l’appliquer, tu dois tout rejeter en bloc . Mais il faut reconnaître que cela ne facilite pas l’acceptation du message.
Avant de te laisser…
Si tu veux que le monde change, commence par toi.
Commence par ta maison intérieure , toi-même.ta maison familiale , tes proches.
Car le monde, c’est souvent le reflet de ce que tu portes en toi . La manière dont tu perçois le monde extérieur dépend de ce qui se passe à l’intérieur de toi .
Pose-toi ces questions :
Quelle est la chose que tu reproches souvent aux autres, mais que tu dois améliorer toi-même ?
Et si ton silence et ton comportement avaient plus d’impact que tes paroles ?
Réfléchis à cela.
Corrige-toi d’abord , et tu verras que ton entourage commencera déjà à changer naturellement. Et ensuite, vous pourrez en discuter …
Je suis Oustedha Zaynab, et voilà plus de 10 ans que j’enseigne aux femmes le Coran. En effet, ce qui m’importe, au-delà de la mémorisation du Coran, c’est que mes sœurs vivent avec le Coran, que leur relation avec le Coran ne soit pas superficielle, mais bien chargée d’émotions. Tout cela, je le souhaite pour toi également, et je te le dis : c’est possible !
