La ayah qui a motivé l’épisode du jour
« Ô vous qui avez cru ! Évitez de trop conjecturer (sur autrui), car une partie des conjectures est un péché. Ne vous espionnez pas les uns les autres et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? Vous en auriez horreur. Craignez Allah, car Allah est Accueillant au repentir et Très Miséricordieux. »
📖 Sourate Al-Hujurât, verset 12
Cette ayah est glaçante, n’est-ce pas ? Nous la connaissons presque tous, et pourtant, nous ne la mesurons pas toujours à sa juste valeur.
Qu’est-ce que la médisance ?
En arabe, la médisance se dit ghibah (الغيبة). Ce mot trouve sa racine dans gha-ya-ba (غ ي ب), qui signifie « absence ». Cette étymologie est très parlante : la médisance consiste à parler d’une personne en son absence . C’est une parole prononcée sans qu’elle puisse se défendre, ce qui en fait une injustice flagrante.
En français, le mot « médisance » évoque simplement le fait de dire du mal de quelqu’un. Mais en arabe, langue choisie par Allah ﷻ pour révéler le Coran, la racine même du mot met en lumière l’injustice de cet acte : parler d’une personne alors qu’elle est absente et sans possibilité de répondre.
Alors, comment définir précisément la médisance ? Nous pourrions nous tourner vers un dictionnaire, comme le Larousse ou le Robert. Mais la meilleure définition nous a été donnée par notre bien-aimé Prophète ﷺ.
La définition de la médisance selon le Prophète ﷺ
Le Prophète ﷺ a défini la médisance en des termes très clairs. Un jour, il demanda à ses compagnons :
« Savez-vous ce qu’est la médisance ? »
Ils répondirent :
« Allah et Son Messager sont plus savants. »
Alors, le Messager d’Allah ﷺ expliqua :
« C’est le fait de mentionner quelque chose au sujet de ton frère qui lui déplairait. »
Un compagnon demanda alors :
« Et si ce que je dis de lui est vrai ? »
Le Prophète ﷺ répondit :
« Si ce que tu dis de lui est vrai, alors tu as médit, tu as fait ghibah (غيبة). Et si ce que tu dis de lui est faux, alors tu l’as calomnié ( namîmah , نميمة). »
📖 (Rapporté par Muslim)
Cette définition est d’une clarté absolue. Elle nous montre que, même si l’information rapportée est vraie, le simple fait de mentionner quelque chose qui déplairait à la personne concernée est suffisant pour que cela soit considéré comme de la médisance.
Il faut donc être extrêmement vigilant. C’est précisément pour cela qu’il faut s’en tenir à la définition donnée par le Prophète ﷺ.
Les excuses que l’on entend trop souvent
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui essaient de contourner cette interdiction avec des excuses bien connues :
« Si cette personne était là, je lui aurais dit en face. »
« Ce que je dis, je lui ai déjà dit. »
« Je vais lui dire de toute façon. »
Je pourrais très bien lui dire si elle était présente. »
Et alors ? Ça ne change absolument rien.
La prochaine fois que quelqu’un sort ce genre d’argument, demande-lui simplement : « Et alors ? So what ? » .
Le Prophète ﷺ n’a pas dit : « La médisance, c’est parler d’une personne en son absence, sauf si tu aurais osé lui dire en face. » Non. Il a dit :
« C’est le fait de mentionner ton frère ou ta sœur en son absence sur quelque chose qui lui déplairait. »
Point final.
Il ne s’agit pas ici de courage, d’audace ou de témérité. Ce n’est pas un exercice d’affirmation de soi. Il s’agit simplement d’éviter un péché qui souille notre langue et notre cœur.
Si ce que tu veux dire peut blesser quelqu’un, alors ne le dis pas. C’est aussi simple que ça. Inutile de chercher à tergiverser ou à se justifier. Si tu veux vraiment lui dire quelque chose, va le lui dire directement. Mais ne viens pas me parler à moi de ton courage imaginaire.
Une image glaçante dans le Coran
La ayah de la sourate Al-Hujurât est d’une puissance saisissante. Allah ﷻ ne se contente pas de nous interdire la médisance. Il nous donne une métaphore terrifiante pour nous faire comprendre à quel point cet acte est grave.
« L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? Vous en auriez horreur ! »
Prenons un instant pour analyser cette image .
La chair : Elle symbolise l’honneur et la dignité de la personne. En parlant derrière son dos, nous attaquons son honneur et bafouons sa dignité.
Le frère (ou la sœur) : Cela rappelle que chaque être humain, et plus encore un musulman , est notre frère ou notre sœur en religion. Nous partageons un lien sacré, celui de la foi en Allah ﷻ.
La personne est morte : Pourquoi Allah ﷻ utilise-t-Il cette image ? Parce qu’une personne absente est impuissante, comme un mort face à son bourreau . Elle ne peut ni se défendre, ni répondre, ni se justifier.
Une scène macabre
Imagine un instant cette scène :
Un groupe de personnes assis autour d’une table, se livrant à un festin sordide, dévorant le cadavre d’un frère ou d’une sœur en Islam.
Rien que d’y penser, c’est insupportable, n’est-ce pas ? Alors pourquoi trouvons-nous normal de nous prêter à la médisance, jour après jour ? Il est grand temps de prendre conscience de la gravité de cet acte et de purifier nos langues de ce poison !
Une mise en garde percutante
Lorsque nous entendons une médisance sur une personne qui nous est chère, notre première réaction est souvent : « Non, ne parle pas de ma sœur, ne parle pas de mon frère ! » Pourtant, avec d’autres, nous pouvons facilement nous laisser aller à la médisance. C’est précisément pour cette raison qu’Allah ﷻ a choisi une formulation si marquante dans le Coran.
Il aurait pu dire :
« Aimeriez-vous manger la chair d’un musulman ? »
« Aimeriez-vous manger la chair d’une musulmane ? »
« Aimeriez-vous manger la chair d’un croyant ? »
« Aimeriez-vous manger la chair d’un être humain ? »
Mais non. Allah ﷻ a spécifiquement dit :
« Aimeriez-vous manger la chair de votre frère mort ? »
Comme pour nous mettre face à une évidence insoutenable. Qui ferait une chose pareille ? Juste entendre cette phrase suffit à nous écœurer. Mais Allah ﷻ ne s’arrête pas là.
Il insiste :
Il parle de chair – symbole de l’honneur et de la dignité.
Il précise que cette chair est celle de votre frère ou votre sœur – un lien sacré entre croyants.
Il ajoute que cette personne est morte – impuissante à se défendre ou à rétablir la vérité.
C’est un cumul de gravité qui nous oblige à réfléchir.
La réponse d’Allah ﷻ
Dans cette ayah , Allah ﷻ ne pose pas simplement une question rhétorique. Il nous fournit directement la réponse :
« Vous en auriez horreur ! » (فَكَرِهْتُمُوهُ)
Kariha , c’est ressentir une profonde aversion, un dégoût instinctif. Comme si Allah ﷻ nous disait : « Ne réfléchis même pas. C’est tellement évident que ton cœur et ton âme devraient rejeter cet acte sans l’ombre d’un doute. »
Un acte qui devrait nous écœurer
Tout comme il est impensable de consommer de la chair humaine – encore plus celle de notre propre frère ou sœur, et pire encore, celle d’un cadavre – nous devrions ressentir la même répulsion face à la médisance .
Nous devons atteindre un niveau de foi où médire, ou entendre quelqu’un médire, nous donnerait littéralement la nausée. Comme lorsqu’on a le mal des transports ou comme les nausées d’une femme enceinte. Cette image ne doit plus être un simple avertissement lointain, mais une réalité ancrée dans nos cœurs.
Nous préserver de la médisance
Personne n’est à l’abri de la médisance. Que celui qui n’a jamais fauté se rappelle que c’est par la miséricorde d’Allah qu’il en est préservé. Nous devons donc implorer Allah ﷻ pour qu’Il nous éloigne de ce fléau :
« Ya Allah, fais que la médisance me soit aussi répugnante que Tu l’as décrite dans Ton Livre. Fais qu’elle me dégoûte comme si je mangeais la chair de mon propre frère ou de ma propre sœur mort. Inspire-moi l’horreur face à cet acte et protège-moi de l’y retomber. »
Nous devons transformer chaque ayah du Coran en invocation et en action. Qu’Allah nous purifie de ce mal et fasse de nous des croyants dont la langue ne prononce que du bien. Amine.
Si jamais l’envie de médire nous traverse l’esprit, ou si nous entendons quelqu’un s’y adonner, il faut d’abord travailler sur soi. Il faut atteindre un niveau où cela devient impensable, où on ne se l’autorise tout simplement pas.
Et si on aime quelqu’un et qu’on le voit tomber dans ce piège, il faut l’aider à rectifier le tir. On détourne la conversation, on change de sujet. Mais si malgré tout, la discussion persiste, il faut avoir le courage de se lever et de partir, sans un mot. Rien que notre absence, notre silence, peut suffire à envoyer un message fort. J’ai déjà assisté à ce genre de scène : voir une personne se lever et s’en aller dès que la médisance commençait, c’est marquant. C’est inspirant. C’est une leçon en soi.
Et nous devons être cette personne. Mais pour l’être, il faut d’abord commencer par nous-mêmes. Il faut veiller à ne pas être celui ou celle qui médît.
Demander à Allah ﷻ que la médisance nous répugne
Pour cela, il faut invoquer Allah ﷻ, Lui demander Son aide. C’est une dou’a à répéter sans cesse :
Qu’Allah nous donne la force de nous éloigner de la médisance. Qu’Il fasse en sorte que nous en soyons profondément dégoûtés. Qu’Il nous permette de ressentir cette répulsion au point d’en avoir la nausée, un signal d’alarme naturel qui nous arrête immédiatement, que ce soit nous ou quelqu’un autour de nous.
Nous sommes la communauté de l’excellence. Et alors que Ramadan approche, il est temps de dire stop. La médisance, c’est fini. C’est dépassé. C’est has been . Il faut en finir.
Combien de dégâts, de relations détruites, de coeurs blessés, la médisance a-t-elle causés ?
Alors à chaque fois que la tentation se présente, rappelons-nous cette image du Coran.
Oserions-nous vraiment ?
Il y a deux approches face à la médisance :
Demander à Allah ﷻ qu’Il nous en dégoûte totalement, au point que l’idée même d’y participer nous répugne.
Se poser une question très simple : Aurais-je le cran de manger la chair d’un être humain mort, celle de mon propre frère ou de ma propre sœur ?
C’est précisément l’image qu’Allah ﷻ utilise dans le Coran. Serions-nous capables de le faire, même contre une somme astronomique d’argent ? La réponse est non.
Alors, si nous sommes incapables de commettre un tel acte, pourquoi aurions-nous le cran de médire ? C’est aussi simple que ça.
Le Coran est rempli de paraboles et d’images frappantes, mais certaines sont particulièrement marquantes. Celle de la médisance est unique et doit nous interpeller.
Ce n’est pas simplement une mise en garde légère ou une réprimande anodine. C’est une image digne d’un film d’horreur, que nous devons ressentir jusque dans nos entrailles.
Allah ﷻ ne nous a pas transmis cette métaphore pour que nous la trouvions seulement « dégoûtante ». Il veut que nous la vivions comme une scène terrifiante, que nous soyons réellement bouleversés à l’idée de médire.
Ressentir la médisance comme une scène d’horreur
Il y a une différence entre regarder un film d’horreur et le vivre réellement. Regarder est déjà insoutenable pour beaucoup, mais l’expérimenter dans la vraie vie serait bien pire.
La médisance, dans la manière dont Allah ﷻ la présente, devrait nous sembler aussi insupportable que de vivre une scène d’horreur en réalité. Si cette image ne nous arrête pas encore, c’est qu’il faut travailler notre perception et notre foi pour en arriver à un niveau où la médisance nous soit aussi intolérable que l’acte décrit dans le verset.
Pourquoi médisons-nous ?
Pour corriger un comportement, il faut en comprendre les causes. Voici quelques raisons qui nous poussent à médire :
Un besoin de validation
Parfois, nous parlons des autres pour attirer l’attention ou pour nous faire accepter d’un groupe. La médisance devient alors un moyen d’intégration sociale, bien qu’elle soit toxique.
La jalousie
La médisance est souvent motivée par la jalousie. En rabaissant quelqu’un, on tente d’apaiser nos propres insécurités. Pourtant, celui qui est confiant n’a pas le temps d’être jaloux.
Qu’Allah ﷻ nous préserve de la jalousie, cette maladie de l’âme contre laquelle Il nous a donné un unique remède : demander refuge auprès de Lui. Comme mentionné dans la dernière ayah de Sourate Al-Falaq , la seule protection contre le jaloux est le refuge auprès d’Allah ﷻ.
Parce qu’en fait, le jaloux atteint un niveau où le retour en arrière devient quasi impossible. Et donc, la seule solution, c’est de se protéger du jaloux. C’est triste…
Il faut donc demander à Allah ﷻ de ne pas faire partie de ces gens dont les autres doivent s’enfuir, et aussi de ne pas être entouré par eux. Ni être cette personne, ni être entouré par elle.
Le manque de sujets de conversation
Je pense qu’une autre cause de la médisance, c’est le manque de sujets de conversation. Parce que c’est plus facile de parler des autres que de parler de soi-même ou d’apporter un sujet constructif. C’est rapide, en fait. Souvent, quand on parle de quelqu’un, c’est parce qu’une situation s’est passée, et hop , le sujet est déjà sur un plateau.
Allah ﷻ nous demande d’éviter cela, mais Il a conscience que c’est difficile. Parce que les occasions de parler des autres sont omniprésentes. Surtout aujourd’hui, en 2025, avec les réseaux sociaux, les médias, et cette société qui va trop vite. Il n’y a que des sujets pour parler sur les autres. C’est vrai, ce n’est pas facile.
L’habitude
Oui, la médisance peut devenir un réflexe.
Quand on s’ennuie, quand on ne sait pas quoi dire… Surtout dans les environnements où c’est totalement normalisé. Dans certains endroits, médire est un mode de communication. C’est devenu naturel.
Mais encore une fois, toujours dans cette optique de Ramadan , une habitude, ça peut se désamorcer. Comme une bombe qu’on désamorce. Il n’y a rien dans cette vie qui ne puisse être arrêté, sauf la mort. Donc il faut désamorcer la médisance.
Un écran à nos propres défauts
C’est le dernier point que je vais citer, même s’il y a sûrement plein d’autres causes. Je pense que la médisance sert souvent d’écran à nos propres défauts .
Parler des erreurs des autres, c’est détourner l’attention de nos propres failles. En effet, comme il est dur de parler :
de ses propres défauts,
de soi, quand l’image que l’on renvoie n’est pas dorée,
de ses manquements.
C’est beaucoup plus facile de parler de ceux des autres. Mais attention, parce que la médisance peut aussi faire miroir .
Souvent, ceux qui parlent des manquements des autres ont exactement les mêmes . Ou alors, ils envient secrètement ce qu’ils critiquent.
Alors, pose-toi la question :
➡️ Pourquoi est-ce que ce défaut en particulier m’interpelle ? ➡️ Pourquoi celui-ci et pas un autre ?
Peut-être parce qu’au fond, ce défaut me dérange en moi-même. Ainsi, plutôt que de parler des autres, parle-toi à toi-même
Au lieu de dire :« Regarde Zaynab, elle n’arrête pas de faire cette chose-là, elle devrait vraiment arrêter ! »
Pourquoi ne pas se dire à soi-même :« Moi, j’ai exactement ce problème. Moi aussi, je n’arrête pas de le faire. Il faut que j’arrête. »
Mais se parler à soi-même, c’est difficile. Alors, au lieu de faire ce travail intérieur, on fait quoi ?
On prend exactement ce défaut qui nous agace chez nous ,
on le reconnaît immédiatement chez quelqu’un d’autre ,
on en parle pour détourner l’attention.
Et c’est comme ça qu’on se retrouve à oublier ses propres failles en s’acharnant sur celles des autres.
La médisance et le cas des personnalités publiques
Attention, ce n’est pas parce que quelqu’un est une personnalité publique, célèbre ou influente, que cela nous donne le droit de médire sur lui. Ce n’est pas parce qu’une personne s’expose et est visible par des millions, voire des milliards de personnes, que cela nous autorise à parler sur elle.
Si tu médis sur une star, quel que soit son domaine, et que cette personne est musulmane, alors cette ayah du Coran s’applique : tu as mangé la chair de ton frère ou de ta sœur.
Et aujourd’hui, il n’y a que ça. Un influenceur – même parmi les moins célèbres – fait une erreur, un scandale éclate, et tout le monde s’en donne à cœur joie.
Et là, je me dis : mais c’est ton frère ou ta sœur, en fait ! Normalement, on n’a même pas le droit d’en parler. Et pourtant, c’est ce qui se passe…
C’est pour cela que parfois, je me dis que le plus simple dans cette vie, ce serait de ne pas avoir de réseaux sociaux, ni de télé. Ça éviterait qu’on connaisse la vie des gens dont on ne devrait même pas connaître l’existence. Ça éviterait aussi qu’on ait d’autres sujets de conversation que nos vrais sujets.
Le sentiment après avoir parlé
Quand j’ai fini, le pire, c’est que je ne suis même pas fière de ce que j’ai dit. Et après, on est encore plus dégoûté. Il y a une voix intérieure qui nous dit : « Quand même, t’as pas honte, t’as parlé de ça sur la personne, alors que toi, tu le fais et t’as même pas eu le courage, en fait, de le corriger. »
N’espère pas que la personne le corrige. Si tu ne le corriges pas, dans un an, tu seras encore en train de parler du défaut de cette personne.
Les conséquences de la médisance
L’impact sur notre relation avec Allah ﷻ
Le lien avec le mensonge
La médisance est un péché très grave. Il est répandu, mais cela ne diminue pas sa gravité. C’est ça qui fait vraiment peur. Le Prophète ﷺ a dit :
« Celui qui ne délaisse pas les paroles mensongères et les mauvaises actions, Allah n’a nul besoin qu’il abandonne sa nourriture et sa boisson. »
En parlant du jeûne, Allah ﷻ n’a pas besoin qu’on se prive de nourriture.
Certains savants assimilent même la médisance au mensonge, dans le sens où la personne n’est pas là pour se défendre et qu’on parle de suppositions. Et quand bien même ces choses seraient vraies, comme la personne n’est pas là pour s’expliquer, il y a du mensonge.
Le lien avec l’intention
Et encore une fois, on peut décrire quelque chose de vrai au sujet de quelqu’un, mais on ne décrit que ce qu’on voit et ce qu’on pense de ça. Mais l’intention que la personne a eue derrière cette chose-là, on n’en a aucune espèce d’idée.
Donc, si en plus, on parle de la personne et on se permet de dire : « Oui, elle a fait ça parce que ceci, cela », et que la personne n’avait pas du tout cette intention et ce n’était pas du tout cet objectif-là, quand bien même elle a fait cette chose, on a commis un péché grave.
L’impact de la médisance sur le jeûne
Notre jeûne peut être vidé de son sens si nous ne maîtrisons pas notre langue. Et Ramadan est justement le mois où nous devons l’utiliser avec sagesse. Mais cela ne commence pas du jour au lendemain.
Dans l’épisode précédent, je parlais de la préparation à Ramadan. Je n’ai pas voulu trop insister sur la médisance et tout ce qui l’entoure, mais c’est pourtant un point central. Se préparer, c’est aussi s’assurer que les effets perdurent après. Il faut qu’on arrête. Nous tous, sans exception.
L’impact de la médisance sur les relations avec les autres
Les liens de confiance
La médisance a aussi des conséquences sur nos relations avec les autres. Elle détruit les liens de confiance. Combien d’amitiés, de relations familiales ou professionnelles ont été brisées simplement parce que quelqu’un a parlé dans le dos d’un autre ?
Et je ne sais pas si tu as déjà remarqué, mais quand on discute avec une personne qui commence à médire, il n’y a rien de constructif. C’est juste parler pour parler.
Bien sûr, certains pourraient dire qu’ils rapportent des faits réels et qu’ils le font avec une bonne intention, peut-être pour chercher des solutions. Mais dans ce cas, la meilleure chose à faire, c’est d’aller parler directement à la personne concernée. C’est un sujet délicat, très sensible, mais il faut être vigilant.
Parce qu’au final, qu’on soit celui qui parle ou celui qui écoute, la médisance laisse un poids. On ne se sent pas bien après. Ce genre de conversation est lourde, pesante. Ce « gossip », comme on l’appelle, ne fait que polluer nos cœurs et nos liens.
Le doute qui s’installe
De plus, il y a toujours une voix qui nous dit :
« Si elle a parlé de cette personne en mal devant moi, elle s’est donnée à cœur joie, elle n’a pas lâché. Et ça veut dire que quand moi je tourne le dos, elle fait pareil à mon sujet. »
Celui qui parle des autres devant toi, quand tu n’es pas là, il parle de toi, sur ton dos. Et de choses que tu n’aimes pas. Il ne faut même pas se douter de ça, en fait. On voit donc que la médisance a un effet sur les relations.
Un péché qui laisse des traces
Même si une personne ne parle pas dans mon dos, le simple fait de la voir médire sur quelqu’un d’autre, que ce soit à moi, devant d’autres ou même en assistant à la scène, suffit à altérer ma perception d’elle. Ça laisse une trace, une tache noire sur la relation. Et quand ça se répète, c’est encore pire.
Difficile alors d’avoir confiance, sauf si l’on tombe dans le même travers. Sinon, c’est pesant. On connaît tous quelqu’un qui, à chaque conversation, finit toujours par parler des autres. Impossible d’échanger avec lui sans que son discours soit centré sur la vie des gens.
Et souvent, la réaction est la même : on finit par éviter cette personne. On sait déjà ce qui nous attend, et franchement, c’est lassant. On n’a pas envie d’entendre encore et encore des paroles négatives sur autrui.
L’impact sur nous-mêmes
La médisance n’affecte pas seulement notre lien avec les autres, elle a aussi un impact sur nous. Comme je l’ai dit plus tôt, elle alourdit les cœurs et nous éloigne de cette paix intérieure, cette sakînah intérieure tant recherchée.
Parce qu’au fond, la médisance cultive le négatif. Elle nous enferme dans un cercle toxique où l’on ne parle que de défauts, d’erreurs, de ce que l’autre n’aimerait pas entendre sur lui. C’est une spirale de négativité. Négatif, négatif, négatif… et toujours sur les autres en plus. Est-ce que le négatif a déjà fait du bien au cœur de quelqu’un ? Non.
Et c’est là qu’intervient un autre impact de la médisance : elle abîme aussi notre relation avec nous-mêmes. On ressasse, on rumine… et surtout, on n’en est pas fier.
Toute personne qui a déjà médit sur quelqu’un, si elle prend un instant pour se regarder en face, sait au fond d’elle qu’elle n’a rien fait de louable. Ça ne veut pas dire qu’elle arrêtera immédiatement, ni qu’elle ne recommencera jamais, mais une chose est sûre : elle ne peut pas en être fière.
Personne ne l’est. Dire le contraire, c’est se mentir à soi-même.
Comment arrêter de médire ?
Prendre conscience de la gravité de ce péché
Cela nous est rappelé dans le Coran, dans la ayah qui nous met en garde contre cette pratique. C’est suffisant pour comprendre l’importance de l’éviter.
Penser au rôle des anges
Je pense également à une autre ayah, où Allah dit :
مَّا يَلْفِظُ مِن قَوْلٍ إِلَّا لَدَيْهِ رَقِيبٌ عَتِيدٌۭ
« Il ne prononce pas une parole sans avoir auprès de lui un observateur prêt à inscrire. »
📖 Sourate Qaf, ayah 18
Cela signifie qu’il y a un ange, prêt à inscrire nos paroles. Ce n’est pas juste une figure symbolique, l’ange est fin prêt à écrire dès que nous parlons. Donc, attention à ce que nous disons, car tout ce qui sort de nos bouches est inscrit. Cela peut nous faire économiser beaucoup de choses, notamment du papier et de l’encre, si nous évitons de parler des autres.
Pratiquer le silence
Un autre moyen de lutter contre la médisance est de pratiquer le silence. Les Français disent :
« Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi. »
« Le silence est d’or, et la parole est d’argent. »
Le Prophète ﷺ a dit :
« Celui qui croit en Allah et au Jour dernier, qu’il dise du bien ou qu’il se taise. »
Cela ne peut être plus clair : soit on dit du bien, soit on se tait.
Le Prophète ﷺ a été fort dans ses paroles. Il nous renvoie à notre foi en Allah ﷻ et au Jour du Jugement. Si nous croyons en cela, alors nous devons être conscients de l’impact de nos paroles et de la gravité de ce qui nous attend après.
Remplacer la médisance par du bien
Enfin, il ne s’agit pas seulement de s’abstenir de parler. Le but n’est pas d’avoir des conversations ennuyeuses ou de ne rien dire du tout. Une rencontre entre des personnes par définition inclut la parole et l’échange de sujets. Si nous devons parler des autres, remplaçons la médisance par du bien. Dire du bien des autres amène la baraka, la bénédiction. En disant : « Tabarak Allah » ou « Allahuma barik », nous invoquons la bénédiction d’Allah ﷻ sur les autres et nous évitons de leur faire du mal.
Il est important de ne pas parler des gens de manière nuisible ou en portant le mauvais œil sur eux. Il faut utiliser la langue de manière positive et bienveillante.
Le Prophète ﷺ a encouragé ses compagnons à parler en bien des défunts, car cela purifie les cœurs. Une personne décédée, qui ne peut plus se défendre et sur qui nos paroles n’ont plus d’impact, mérite qu’on préserve son honneur. Alors que dire d’un vivant ?
Si le respect envers les morts est une évidence, il devrait l’être encore plus envers ceux qui sont parmi nous. D’ailleurs, même les non-musulmans le reconnaissent : il est inapproprié de médire sur les défunts. Ne devrions-nous pas, en tant que musulmans, être encore plus soucieux d’appliquer ce principe ?
Nous sommes la communauté de l’Ihsan , celle qui vise l’excellence. Alors ne nous contentons pas du strict minimum.
Se concentrer sur soi-même
Si l’on y réfléchit bien, l’être humain est avant tout tourné vers son propre bien-être. Des études montrent que, même lorsqu’il parle des autres, il parle souvent indirectement de lui-même. Son principal centre d’intérêt reste lui-même.
Ceux qui accordent trop d’importance au regard des autres devraient garder cela en tête : quoi que l’on dise ou fasse, la plupart des gens sont bien plus préoccupés par eux-mêmes que par nous . Pourtant, Allah ﷻ nous a créés pour vivre en communauté, pour nouer des liens et nous soucier les uns des autres. Une partie de notre cœur est naturellement tournée vers autrui. Mais dans son état brut, l’être humain pense d’abord à son propre intérêt.
L’importance de l’introspection
C’est pourquoi il est essentiel de prendre du recul et de s’interroger sur soi-même :
Comment puis-je m’améliorer ?
Quels aspects de ma relation avec Allah ﷻ dois-je renforcer ?
Ces réflexions trouvent leur place dans les moments de calme, loin des conversations futiles. Car parler des autres n’apporte rien à notre avancement spirituel. En revanche, se concentrer sur notre propre évolution nous permet d’aller de l’avant.
Parler de soi sans exposer ses défauts
S’exprimer sur soi ne signifie pas forcément mettre en avant ses faiblesses. Prenons un exemple simple : si tu parles de fleurs, de leur culture, de leurs variétés, tu partages en réalité une partie de toi-même, sans même t’en rendre compte. Ce qui pourrait sembler être une conversation anodine révèle en réalité tes centres d’intérêt et ton regard sur le monde.
Ainsi, il est possible d’avoir des discussions enrichissantes et sincères sans tomber dans le jugement ou la critique négative des autres.
Se dévoiler naturellement à travers nos passions
Lorsque tu parles d’un sujet qui te passionne, tu transmets bien plus qu’une simple information. Par exemple, si tu es passionné par les fleurs, il n’est pas nécessaire de dire « j’aime les fleurs » pour que cela se ressente. En évoquant leur culture, leur entretien, leur beauté, ton interlocuteur comprendra naturellement ton intérêt pour elles.
Il en va de même pour d’autres sujets : voyages, paysages… Tout ce que nous aimons ou n’aimons pas en dit long sur nous, même de manière indirecte.
Parler de soi de façon naturelle et authentique est donc plus simple qu’il n’y paraît, tant que cela reste constructif et empreint d’humilité.
Rester humble dans ses conversations
Il est important de parler de soi sans tomber dans l’ego ou l’auto-promotion excessive. L’objectif est de partager des informations personnelles de manière saine et sans se nuire soi-même ni devenir égocentrique. Tout en parlant de soi, il est crucial de maintenir une attitude humble, sans tomber dans l’excès. Il faut éviter de toujours revenir sur soi-même de manière nuisible, tout en exprimant ses goûts et préférences.
Faire du Coran son meilleur ami
Pour éviter la médisance, il est fondamental de demander à Allah ﷻ de nous prémunir contre cette tentation. Comme je l’ai mentionné précédemment, il est important de prendre des mesures concrètes pour éviter la médisance.
L’un des meilleurs moyens est de s’attacher au Coran. Celui qui passe du temps avec le Coran, qui vit avec lui au quotidien, et qui le considère comme un compagnon fidèle, trouve une source de guidance et de pureté. En prenant le Coran comme un ami proche, tu te connectes à une sagesse divine qui t’empêche de t’égarer dans des comportements comme la médisance. Le Coran devient alors une lumière et une protection contre les mauvaises habitudes.
Mon objectif, avec chaque épisode, est de vous amener à considérer le Coran comme votre meilleur ami. Si après 190 épisodes, cela n’a pas encore fonctionné, je ne me décourage pas. Je suis prêt à en faire encore 190 autres pour que cela marche, inshaALLAH. Mon souhait est que chaque personne qui m’écoute développe une relation profonde et sincère avec le Coran, qu’il devienne un véritable « best friend » pour chacun de nous, une amitié solide et pure avec la parole d’Allah ﷻ.
La lecture du Coran comme source de lumière
Passer du temps avec le Coran, même sans mémoriser ou comprendre tout ce qu’on lit, nourrit le cœur. La simple lecture du Coran remplit notre cœur de lumière et de foi. Plus on lit, plus on se rend compte que cela éloigne de l’envie de parler de manière futiles.
La lecture et l’étude du Coran nous poussent à éviter les discussions inutiles et nous incitent à parler de ce qui est véritablement significatif. En approfondissant notre connaissance du Coran, l’envie de partager son message devient irrésistible. C’est un plaisir de parler du Coran à longueur de journée !
Ramadan, un moment pour briser les mauvaises habitudes
Aujourd’hui, je vous invite à réfléchir à cette mauvaise habitude qu’est la médisance et à la mettre de côté pendant ce mois béni. On voit des challenges comme « no sugar » ou « sans écran après telle heure »…
Il est aussi essentiel de créer un défi personnel, un « No médisance Challenge », pour se détacher de la médisance et des paroles futiles. Ce défi ne doit pas être limité à Ramadan, mais doit devenir un engagement durable. Il faut se dire « cap ou pas cap » de s’abstenir de la médisance, un défi auquel tout musulman devrait répondre « Cap », car, en réalité, nous n’avons pas le choix.
La médisance : ce qu’il faut retenir
Imaginer un film d’horreur.
Le personnage principal est obligé de manger de la chair humaine morte. C’est une image choquante, mais c’est pour vous aider à visualiser la gravité de la médisance. Quand vous médisez, vous consommez quelque chose de dangereux pour votre âme, comme si vous ingériez ce poison.
Ce n’est pas une question de « cap » ou « pas cap ». C’est une question de comprendre qu’on n’a pas le choix : arrêter la médisance est essentiel pour notre bien-être spirituel. Le défi, donc, c’est de ne pas médire, et ce challenge doit être permanent. Demandez à Allah de vous aider pendant le mois de Ramadan, car ce mois est un moment propice pour instaurer de bonnes habitudes. Si vous réussissez à vous abstenir de la médisance pendant un mois, cela deviendra plus facile à long terme.
Se concentrer sur des sujets constructifs
En parallèle, il faut aussi réfléchir à des sujets qui nourrissent l’âme. Cherchez des thèmes constructifs, que ce soit à travers :
des livres,
des clubs de lecture,
des voyages,
des moments de détente dans la nature.
Évitez de parler des autres de manière négative ; cela ne mène nulle part et c’est dévalorisant. Au lieu de ça, entourez-vous de discussions enrichissantes. Si vous vous trouvez dans une conversation où la médisance est présente, faites le rappel comme il convient de le faire (et pas en humiliant la personne devant tout le monde), ou ayez la force de vous en éloigner, que ce soit en partant discrètement ou en exprimant votre malaise.
Avant de te laisser…
Le Ramadan est l’occasion idéale pour se purifier et briser les mauvaises habitudes. La médisance est un poison pour l’âme , mais grâce à la discipline et l’aide d’Allah, nous pouvons l’éliminer. Le Coran nous a déjà avertis sur les dangers de la médisance, et il n’y a aucune excuse pour dire qu’on ne savait pas. Avec la volonté d’Allah, nous pouvons guérir et purifier notre cœur.Faites de ce Ramadan un moment de purification, en apprenant à utiliser votre langue pour construire et non pour détruire.
Qu’Allah nous guide, nous purifie, et nous aide à garder nos langues sages et pleines de bien. Ameen