Dans ce monde saturé de bruits, d’opinions instantanées, de commentaires précipités, une ayah du Coran vient mettre un peu de nour dans cette confusion générale. Un rappel ferme, mais salvateur : s’abstenir quand on ne sait pas. Dans cet article, nous allons voir tout ce que ça englobe et de quel manière notre Rabb nous en parle.
Le verset qui a motivé l’épisode
Je crois que tu as entendu ce que j’ai entendu. ALLAH ﷻ a été très clair ici. Il dit dans le sens : « Ne poursuis pas ce dont tu n’as aucune connaissance. »
Aujourd’hui, j’aimerais qu’on prenne un instant pour se demander : où est passée la sagesse de se taire quand on ne sait pas ? Où est passée l’humilité de dire : « Je ne sais pas » ? Où est passée la décence ? Parce que c’est bien de décence qu’il s’agit : ne pas donner son avis sur un sujet qu’on ne maîtrise pas, qu’on ne comprend pas, voire même qui ne nous concerne pas.
Un ordre clair de s’abstenir quand on ne sait pas
On peut faire un décryptage de cette ayah . Ici, il y a un ordre d’ALLAH ﷻ, clair et net : un ordre de retenue. Cette ayah s’adresse à chacun d’entre nous. ALLAH ﷻ ne dit pas : « Si tu n’as pas de connaissances, évite peut-être d’en parler. » Non, Il dit :
« wala taqfu ».
Taqfu vient de la racine qāf-fā-wāw . Cela signifie littéralement :
poursuivre quelqu’un de près,
marcher juste derrière,
traquer,
suivre à la trace.
C’est comme si ALLAH ﷻ nous disait :
« Ne poursuis pas de près quelque chose dont tu n’as aucune connaissance. Ne marche pas derrière, ne traque pas et ne suis pas à la trace quelque chose que tu ignores. »
Ce n’est pas la même chose que dire : « Évite le sujet si tu ne connais pas. » Là, c’est clair : « Lâche. Arrête. Pourquoi tu cours derrière quelque chose que tu ne connais pas ? »
Ce n’est pas un simple appel à la prudence, c’est une interdiction. Il dit en substance :
« N’adhère pas, ne suis pas, ne colle pas à quelque chose dont tu n’as pas de science. »
C’est fort, le fait qu’ALLAH ﷻ emploie ce terme au lieu de simplement dire « ne parle pas » . Parce que parler de ce qu’on ne connaît pas est déjà grave. Mais ici, Il décrit exactement ce qui se passe aujourd’hui.
Le bavardage autour de ce qu’on ne maîtrise pas
J’ai l’impression que plus les gens ignorent un sujet, plus ils s’y accrochent et plus ils se mettent à en parler. C’est comme un os juteux, et un animal qui fonce dessus sans jamais le lâcher. On a vraiment cette impression quand on observe certains débats aujourd’hui : les gens parlent, s’étalent, alors qu’ils ne connaissent rien au sujet. C’est étonnant, fascinant même, mais finalement pas si surprenant car ALLAH ﷻ en parle dans le Coran. Et s’Il en parle, c’est que ce phénomène existait déjà.
Il ajoute :
« L’ouïe, la vue et le cœur, tout cela sera interrogé. »
Cela signifie que tout cela nous sera demandé. Il y a ici une triple responsabilité , au cas où le simple ordre de ne pas poursuivre ce qu’on ne connaît pas ne nous suffirait pas :
Ce que tu entends,
Ce que tu vois,
Ce que tu ressens, crois, ou rumines dans ton cœur.
Tout sera examiné à la loupe. ALLAH ﷻ ne laissera rien au hasard. Tu devras rendre des comptes sur chacun de ces détails que tu auras soumis à ta vue, ton ouïe, et ton cœur.
L’effacement des frontières entre science et ignorance
Comme je le disais, j’ai vraiment l’impression – et peut-être que tu partages ce constat – que plus les gens ignorent un sujet, plus ils en parlent. Les polémiques sont quotidiennes. Les accusations volent, les mots sont violents, les jugements hâtifs.
Et il y a toujours quelqu’un pour dire :
« Moi je pense que… Je ne suis pas expert, mais… Je ne suis pas concerné, mais… »
D’ailleurs, à ce sujet, les réseaux sociaux ont effacé les frontières :
entre le savant et l’ignorant,
entre le sage et l’impulsif,
entre le juste et le polémiste.
Aujourd’hui, l’opinion d’un homme ou d’une femme profondément enracinée dans la science, la pudeur et la taqwâ d’ALLAH ﷻ est mise au même niveau que celle d’un internaute anonyme, sans éthique, sans compétence, sans conscience.
Et on parle de sujets graves :
religion,
hijab,
djihad,
divorce,
relations humaines,
santé mentale,
médecine,
finance…
Mais qui invite-t-on à s’exprimer ? Des personnes qui :
n’ont ni le vécu,
ni la science adéquate,
ni la responsabilité religieuse.
Il m’est arrivé de tomber sur des extraits d’émissions sur YouTube où l’on parlait du hijab. Je me souviens d’un en particulier, même si je ne pourrais pas citer l’émission exacte. Parmi les invités, il n’y avait aucune femme concernée. Il y avait en revanche un agriculteur engagé dans l’écologie, non-musulman, à qui l’on a demandé ce que vivent les femmes musulmanes portant le hijab en France.
Le plateau était prêt, tendu comme un piège : prêt à produire un avis, prêt à fabriquer de l’indignation. Parce qu’aujourd’hui, c’est ce que font les plateaux télé. Et là, je me suis dit qu’on était tombé bien bas. Même le choix de qui parle est devenu un outil de manipulation. Et je pense que tu seras d’accord avec moi.
Se taire, un acte spirituel
Se taire est un acte de hayâ’, de pudeur. J’aimerais dire quelque chose de clair ici : se taire quand on ne sait pas, c’est une forme de taqwâ , une forme de crainte d’ALLAH ﷻ. C’est une conscience tellement vive d’ALLAH ﷻ que tu ne veux pas Le décevoir, alors tu choisis le silence. C’est une forme de rahmah envers soi-même, et envers les autres aussi.
Celui ou celle qui dit « je ne sais pas » , c’est une personne qui s’est placée sous la protection d’ALLAH ﷻ. Parce que parler sans savoir, c’est mettre en danger sa langue, son cœur, son honneur, et parfois la réputation de quelqu’un d’autre.
Le Prophète ﷺ a dit – et ce hadith me fait peur à chaque fois – :
« Il suffit à une personne comme péché de rapporter tout ce qu’elle entend. »
Et dans une autre version de ce même hadith, il est dit :
« Il suffit à une personne, pour être qualifiée de menteuse, de rapporter tout ce qu’elle entend. »
Dans une version, il est donc question de péché alors que dans l’autre, il est question de mensonge. Pourquoi ? Parce que répéter tout ce qu’on entend, c’est :
prendre le risque de relayer sans vérifier,
répéter des informations erronées,
faire circuler le faux en croyant dire le vrai.
Même si la chose était vraie au départ, le Prophète ﷺ dit : tu mens . Pourquoi ? Parce que tu n’as pas vérifié. Et au moment où tu répètes, tu n’as pas la certitude que c’est vrai. Donc, jusqu’à preuve du contraire, c’est faux .
Souviens-toi de tout ce que j’ai dit dans la série sur Sourate An-Nour : quand on n’a pas de témoins, on ne parle pas . Cela veut dire, de facto, que c’est faux. S’il y a des preuves, c’est autre chose.
Mais même lorsqu’il y a des preuves, la manière dont on rapporte ce qu’on a entendu est rarement fidèle à 100 %. Il y a toujours un risque de :
déformer les propos,
omettre un détail essentiel,
modifier involontairement le fond du discours.
Et cela peut suffire à créer une version complètement différente de la réalité. Et là, on entre dans le mensonge. Attention à cela.
Le silence n’est pas un vide
Dans un autre hadith bien connu, le Prophète ﷺ a dit :
« Que celui qui croit en ALLAH ﷻ et au Jour dernier dise du bien ou se taise. »
C’est clair. Il n’a pas dit : parle si tu veux . Il a dit : tais-toi . Autrement dit, si tu crois en ALLAH ﷻ et au Jour dernier, tu n’as que deux options :
dire du bien,
ou te taire.
Ce silence, ce n’est pas un vide. Aujourd’hui, on a l’impression que les gens ont du mal avec le silence. On ressent le besoin de meubler. Il devient presque gênant d’être avec quelqu’un et que deux minutes passent sans qu’aucun mot ne soit prononcé.
On s’ennuie, on devient anxieux. Le silence est devenu suspect. Et pourtant, parfois, le silence fait du bien. C’est thérapeutique de se taire.
Même entre deux phrases, même entre deux idées. C’est vrai que ça peut être perturbant. Il y a des personnes qui marquent des temps de pause dans leurs conversations, dans leurs prises de parole. Et c’est très bien dosé. Parce que ces silences :
laissent le temps d’atterrir,
permettent de digérer l’information,
donnent de l’espace pour accepter ce qui vient d’être dit.
Le silence dans un monde qui va trop vite
Aujourd’hui, tout est fait pour que tu n’aies pas le temps. Quand on regarde notre façon de consommer, notamment sur les réseaux sociaux, c’est flagrant. Je me rappelle d’une époque où l’on regardait des IGTV, des vidéos longues. Maintenant, beaucoup de gens ont du mal à terminer une vidéo de 30 secondes. Ce n’est jamais assez rapide. À chaque fois, on a envie d’abréger.
Tout va trop vite. Et dans ce rythme effréné, on oublie que le silence n’est pas un vide inutile. C’est :
une protection,
une sagesse,
une forme de maturité.
Pour revenir à ce que je disais plus tôt sur la parole, je pense qu’il est temps de rétablir une hiérarchie. Il faut le dire franchement : toutes les paroles ne se valent pas. Ce n’est pas une question de liberté d’expression. Il faut pouvoir l’admettre :
Tous les avis ne se valent pas.
Tous les esprits ne se valent pas.
Tous ceux qui s’expriment n’ont pas le même poids ni la même responsabilité.
Dans le Coran, ALLAH ﷻ dit dans Sourate az-Zumar :
« Dis : sont-ils égaux, ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? »
La réponse est évidemment non. Et pourtant, aujourd’hui, on agit comme si toutes les opinions avaient la même valeur.
Le musulman ne doit pas être un micro qui répète tout ce qu’il entend. Il ne doit pas être un cœur habité par autre chose que :
le nour (la lumière),
et le furqân (le discernement).
Deux sourates du Coran, d’ailleurs, qui se suivent. C’est un honneur immense que nous devons préserver : ne pas parler à la légère.
Si tu doutes, si tu sens que tu n’as pas tous les éléments, les bases, ou la compréhension suffisante pour aborder un sujet : retiens-toi. Vraiment, retiens-toi.
S’interroger avant de parler
Une introspection nécessaire
Je nous appelle sincèrement à l’introspection sur ce sujet. Toi qui m’écoutes, avant de cliquer un jour sur « commenter », avant de dire à voix haute ce que tu penses, avant de partager une rumeur, une analyse ou un avis, pose-toi les bonnes questions :
Est-ce que je sais ?
Est-ce que j’ai la science ?
Est-ce que j’ai vérifié ?
Est-ce que mon cœur est à sa juste place ici ?
Sinon, ne poursuis pas . Laisse et détache-toi. Car à la fin, c’est ALLAH ﷻ qui s’occupe de tout. Il vaut mieux laisser, se détacher, et garder son cœur propre . Parce qu’ALLAH ﷻ t’interrogera à ce sujet.
D’ailleurs, dans la ayah qu’on a évoquée, ALLAH ﷻ ne dit pas simplement qalb (cœur). Il dit fou’âd . Pourtant, on traduit souvent les deux par « cœur ».
La différence entre qalb et fou’âd
Mais fou’âd vient de la racine fa’ada , qui signifie quelque chose qui :
brûle,
se consume,
déborde.
Les savants et les experts de la langue arabe expliquent que lorsque le cœur est désigné par fou’âd et non par qalb , c’est pour évoquer une autre dimension.
Qalb désigne l’organe, le centre des émotions. C’est le cœur pulsatile, et les émotions normales, maîtrisées, naturelles — comme la joie, la tristesse ou la colère.
Fou’âd , en revanche, désigne un cœur débordant , en excès , qui brûle de l’intérieur . C’est quand les émotions nous submergent, nous échappent, et dépassent la mesure.
Des émotions naturelles
ALLAH ﷻ ne nous jugera pas sur la simple survenue d’une émotion. Il ne nous jugera pas parce qu’on a ressenti de la colère, ou de la tristesse, ou de la joie. Ces émotions font partie de la nature humaine.
C’est comme la surprise : si quelqu’un te surprend, tu ressens de la surprise sans l’avoir choisie. Tu ne vas pas être jugé pour cela, car tu ne l’as pas provoquée, tu ne l’as pas créée.
De la même façon, si tu apprends une mauvaise nouvelle et que tu ressens de la tristesse, tu ne seras pas interrogé par ALLAH ﷻ sur la tristesse en elle-même. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas toi qui décides de la ressentir. Il y a une injustice, et tu ressens de la colère. Je ne parle pas ici du fait de te mettre en colère ou de déployer ta colère. Je parle simplement du fait de la ressentir.
Or, le moment où tu ressens une émotion, tu ne peux pas décider de ne pas la ressentir. Elle est là, c’est une réaction normale à une situation donnée. Ce type d’émotion fait partie de ton qalb , ton cœur organique, émotionnel, tel qu’ALLAH ﷻ l’a créé. Et sur ça, Il ne te jugera pas.
Mais ce que ALLAH ﷻ va juger, c’est le fou’âd , c’est-à-dire :
tout ce que tu as laissé déborder ,
tout ce qui a dépassé la mesure ,
tout ce que tu as traduit en action nuisible .
Si tu prends un verre et que tu le jettes contre le mur par colère, tu ne fais plus que ressentir une émotion : tu la laisses déborder. Tu la transformes en geste. Et ce geste, tu en seras responsable. Parce que ce geste peut entraîner :
de la violence,
des cris,
des insultes,
du tort causé à autrui.
Une personne en colère insulte quelqu’un. ALLAH ﷻ répondra en substance : Tu as ressenti de la colère, soit. Mais qui t’a ordonné d’insulter ce fils d’Adam ou cette fille d’Adam ? Moi ? Non.
Ce n’était pas la colère elle-même, c’était le débordement du fou’âd . Et c’est sur cela que tu seras jugé.
L’ouïe, la vue et leurs conséquences
ALLAH ﷻ dit :
« L’ouïe, la vue et le cœur, tout cela sera interrogé. »
Et c’est très logique qu’Il mentionne ces deux sens-là en premier : l’ouïe et la vue . Ensemble, ils peuvent :
produire les meilleures choses,
ou provoquer les pires dégâts.
Et dans le contexte de la parole sur ce qu’on ne connaît pas, les gens s’expriment souvent à partir de ce qu’ils ont entendu ou vu . Ce sont donc deux sens à l’origine de beaucoup de mal, mais aussi de beaucoup de bien.
Alors, que faire lorsqu’on ne sait pas ? Il faut appliquer ce qu’ALLAH ﷻ a dit :
« Ne poursuis pas ce dont tu n’as aucune connaissance. »
Et la meilleure façon de ne pas poursuivre, de ne pas courir, c’est de s’asseoir . Littéralement. La course, c’est le mouvement. Le contraire, c’est l’arrêt. Tu t’assois, tu te retires, tu te détaches. Tu ne sais pas ? Laisse tomber.
Le Prophète ﷺ a dit :
« Que celui qui ne peut pas dire du bien se taise. »
Et aussi :
« Il suffit à une personne, pour être qualifiée de menteuse, de répéter tout ce qu’elle entend. »
Donc : on ne parle pas.
Et ALLAH ﷻ a dit :
« Ne poursuis pas ce dont tu n’as aucune connaissance. »
Ne sois pas à la charge d’une parole, d’un sujet, d’un avis que tu ne maîtrises pas.
Le message est clair. Alors :
laisse ,
détache-toi ,
assieds-toi ,
et garde ton cœur propre .
Garde ton qalb pur. Garde ton fou’âd maîtrisé. Car tout ce qui dépasse la ligne de sécurité dans tes ressentis sera l’objet d’un jugement d’ALLAH ﷻ.
Avant de te laisser…
Inch’Allah, j’espère que cette ayah nous servira de repère dans un monde où tout le monde parle trop, mais peu écoutent vraiment. Et je le répète encore : ne poursuivons pas ce dont nous n’avons aucune connaissance . Car notre ouïe, notre vue, notre fou’âd … tout cela fera l’objet d’un questionnement.
Et il vaut mieux, ce jour-là, pouvoir répondre les bonnes choses .
Qu’ALLAH ﷻ nous rende sages, justes, silencieux quand il le faut, courageux quand il le faut, dignes lorsque la parole est nécessaire et seulement quand ALLAH ﷻ nous y autorise. Amîn.
J’espère que cet article t’aura plu, si tu souhaites en lire d’autres n’hésite pas à parcourir le blog.
Je suis Oustedha Zaynab, et voilà plus de 10 ans que j’enseigne aux femmes le Coran. En effet, ce qui m’importe, au-delà de la mémorisation du Coran, c’est que mes sœurs vivent avec le Coran, que leur relation avec le Coran ne soit pas superficielle, mais bien chargée d’émotions. Tout cela, je le souhaite pour toi également, et je te le dis : c’est possible !